Le président de la République veut un chantier rapide. Impensable si on utilise des matériaux traditionnels, disent les uns. C’est possible, assurent d’autres. Les moyens financiers sont là.


« Nous rebâtirons la cathédrale plus belle encore et je veux que ce soit achevé d’ici cinq années. Nous le pouvons et, là aussi, nous mobiliserons », a asséné Emmanuel Macron, mardi 16 avril au soir. Après l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris, l’exécutif veut mener la restauration de ce monument emblématique tambour battant. Un délai si court est-il possible ? Faut-il reconstruire l’édifice à l’identique ? A-t-on les techniques ? Éléments de réponse.

Combien de temps a-t-il fallu à l’époque ?

Au Moyen Âge, le chantier du gros œuvre - chœur, transept, nef - a duré une soixantaine d’années (1160-1220), mais la façade a été terminée plus tard, vers 1 245. Des travaux de modifications dureront jusqu’au XIVe siècle. Par exemple, agrandir les fenêtres, changer de style. « Il y a une constante volonté de mettre au goût du jour. À l’époque, il n’y a pas de sentiment de patrimonialisation », décrit Dany Sandron, professeur d’histoire de l’art et d’archéologie du Moyen Âge à Sorbonne université.

Ensuite, Notre-Dame ne changera pas fondamentalement jusqu’au XVIIe siècle, moment à partir duquel d’autres travaux se succèdent. Au XVIIIe, par exemple, la cathédrale a été éclaircie en détruisant les vitraux médiévaux colorés et en les remplaçant par du verre blanc.

Mais c’est au XIXe siècle, après la parution de Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo que sera lancée la grande restauration, avec les architectes Jean-Baptiste Lassus et Eugène Viollet-le-Duc à la manœuvre. La cathédrale est alors délabrée. Ce chantier durera près de trente ans. La flèche, qui s’est effondrée lundi soir, est alors construite. La précédente avait été démontée avant la Révolution. C’est l’État qui a financé tous ces travaux, après la création en 1 837 de l’administration des monuments historiques. C’est d’ailleurs le début, en Occident, de l’intérêt pour le patrimoine, en tant que trace importante de l’histoire.

Un délai de cinq ans est-il tenable ?

C’est l’objectif fixé par le président de la République. « Cinq ans, c’est tout à fait tenable, c’est une question de choix technologiques. […] On construit des stades de 40 000 places en deux ans et demi », a estimé l’architecte Jean-Michel Wilmotte, ce mercredi sur France Inter. « Si on veut reconstruire avec des systèmes traditionnels, ce sera beaucoup plus de cinq ans », estime-t-il toutefois.

Patrick Coulombel, président d’Architectes de l’urgence, va un peu plus loin : « À Dubaï, la plus haute tour au monde a été construite en cinq ans. À Notre-Dame, tout n’est pas à refaire. » Selon lui, le premier facteur pouvant ralentir les travaux a été levé : l’argent est trouvé. « Ensuite, il faut que l’administration mise en place pour gérer ces fonds ne soit pas une usine à gaz. Pas comme après le séisme en Haïti où tout a été retardé. Il suffit de mettre tout le monde au charbon, quelles que soient les techniques choisies. »

Un regard que ne partagent pas des entrepreneurs spécialisés dans les travaux sur les bâtiments historiques. « Reconstruire en cinq ans avec des techniques traditionnelles, c’est compliqué », juge Gilles de Laâge, coprésident du Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques (GMH). « Il faudra au moins une dizaine d’années, mais il est possible de rouvrir l’édifice au public d’ici trois ou quatre ans avec une toiture provisoire. Avant les Jeux Olympiques. »

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