« L’Internet ne me semble pas avoir de réel intérêt pour le particulier », écrivait un lecteur de Libé. Mais la télé s’extasiait devant les « autoroutes de l’information ».
Rue89 n’existerait pas aujourd’hui si, il y a vingt ans, le 30 avril 1993, le Cern, le laboratoire européen de recherches nucléaires, n’avait pas versé dans le domaine public toutes les technologies développées autour du « www, le world wide web ».
A l’époque, l’organisation mettait en ligne le premier site en « www ». Un site qui permettait justement de... mettre en ligne des sites. Il proposait en effet tous les outils et la documentation nécessaires à cette folle entreprise.
Pour souffler ces vingt bougies, le Cern a remis ce vieux site en ligne. Il est tout moche. Mais ce n’est pas grave, ça fait quand même plaisir.
Aujourd’hui, on fait tout avec Internet devant les yeux. On mange, on va aux toilettes, on fait l’amour, on apprend à parler des langues, on s’informe, on lit des livres et encore pleins d’autres trucs. Bref, on a bien conscience que c’est magique. Mais que racontait-on à l’époque ?
On ne retrouve pas beaucoup d’articles datant d’avril 1993 précisément, mais beaucoup de choses diffusées dans les deux ans qui ont suivi ou même avant. Mini sélection.
1
En 1969 : « Ce câble, la révolution de l’avenir »
Il fut un temps où Internet n’était rien. Ou peut être juste un bled, comme on peut le lire dans cette brève parue dans le Monde en 1960 :
« Une voiture qui transportait la famille Berman, de New-York, ayant dérapé sur la chaussée verglacée entre Rochetaillée et l’Internet, près de Bourg-d’Oisans (Isère), est tombée dans la rivière longeant la route. »
Puis, la « révolution » est arrivée. Dans le reportage ci-dessous diffusé en novembre 1969, sur fond de rock psychédélique, on parle d’un « câble qui vous apporte 40 possibilités de choix à domicile ».
« Même seul chez soi, on pourra préférer les jeux de société aux jeux de patience en prenant comme partenaire soit un ami lointain, soit un ordinateur. »
2
Bill Clinton envoie son premier e-mail diplomatique ! Wouhou !
1994. Truc de fou, Bill Clinton envoie son premier e-mail diplomatique. Ça valait bien une dépêche de l’Agence France presse (AFP), reprise dans un article du Monde.
« Le président Bill Clinton a, pour la première fois, utilisé une messagerie électronique pour dialoguer avec un chef de gouvernement étranger en répondant à une missive du premier ministre suédois, Carl Bildt, a indiqué, mercredi 16 février, la Maison Blanche.
M. Bildt avait adressé, le 4 février, un message au président Clinton par le réseau Internet, qui commençait par les mots “Cher Bill”. Le président américain a répondu le lendemain par un “Cher Carl”. »
3
Premiers utilisateurs : « Je cherchais des informations sur le rap »
Dans le reportage ci-dessous, diffusé sur France 2 en septembre 1995, on apprend qu’« une véritable révolution culturelle est en train de naître ». Et l’on voit des utilisateurs raconter leurs premières impressions. Ils sont dans un le « Cyberport » aménagé par la bibliothèque de Paris.
Quand la journaliste demande à Benjamin ce qu’il recherche sur Internet, il répond :
« Heu... Des informations sur le rap. »
Trop mignon.
4
Un lecteur de Libé : Internet ? « pas de réel intérêt pour le particulier »
Les journaux parlent aussi de la révolution « des nouvelles autoroutes de l’information ». On y trouve à l’époque des débats sur la nouvelle technologie et les modalités de son utilisation. Entre lecteurs. Le 8 décembre 1995, dans un courrier, un lecteur de Libé cite « Bruno Bonnell PDG d’Infogrames, à l’origine du réseau Infonie » et selon qui :
« Le grand public ne s’y retrouvera pas dans la masse d’informations sur l’Internet. »
Pour ce lecteur, le PDG a tort.
« Le dynamisme dont Internet a toujours fait preuve saura, n’en doutons pas, tirer parti de ces possibilités pour mettre sur le marché de multiples services d’assistance à la recherche et à l’accès aux informations du réseau Internet. »
Une semaine plus tard, nouveau courrier. Un autre lecteur réagit.
« L’Internet ne me semble pas avoir de réel intérêt pour le particulier, en dehors de certaines catégories de la population (enseignants, universitaires, chercheurs, journalistes, documentalistes, entreprises, passionnés d’informatique).
L’installation reste complexe malgré des kits de connexion simplifiés ; les multiples systèmes, modems et logiciels ne facilitent pas la tâche de l’utilisateur, moyen ou débutant, d’un micro-ordinateur.
Les logiciels restent en majorité en langue anglaise (bien qu’une version localisée de Netscape soit envisagée).
Le contenu de l’Internet est en majeure partie en anglais, et les sites français sont pour la plupart anecdotiques. Ils restent des vitrines qui signalent leur existence sur des réseaux propriétaires payants (Minitel, Microsoft Network, CompuServe, Infonie). »
5
La pédagogie de France 2 : « Bienvenue dans le monde d’Internet »
Dans ce journal de février 1995, le présentateur Daniel Bilalian introduit un reportage sur les Internets. Un peu pour ceux qui n’auraient toujours pas compris ce que c’est.
« Après l’espace, les nouvelles technologies “Internet”, c’est le nom des nouvelles autoroutes de l’information... »
Sonne alors une géniale musique futuriste puis la voix de la journaliste :
« Bienvenue dans le monde d’Internet. En pénétrant dans cette banque mondiale de données, vous rejoignez les trente millions de branchés, au sens propre qui naviguent jour et nuit sur ce réseau informatique interplanétaire. »
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